Le cœur de l’ouvrage est constitué par le catalogue de 52 objets choisis (p. 63-181), représentatifs de différents types d’armes parmi les Griffwaffen (selon la définition de Puyp 2006, retravaillée et commentée en p. 11) dans la période entre 1500 et 1850. Cette périodisation est justifiée (p. 12) par la première mention d’archives de la constitution d’un armement bernois par le gouvernement de la ville et par le règlement fédéral de 1852 qui vise à une réorganisation matérielle des troupes cantonales en armée fédérale. La qualification « bernoise », elle aussi expliquée (p. 12), se justifie par une mention de possession par des Stadtstaates oder Kanton, d’une possession d’une personne qui habite ou qui sert Bern, d’une production locale ou d’un choix comme équipement de la milice bernoise. 36 des 52 objets présentés proviennent des collections du BHM, les 16 autres proviennent d’autres institutions, ou de collections privées (p. 13). Les différentes entrées du catalogue consistent en un texte rédigé (1 à 2 pages) de photo des objets (138 photos d’ensemble et ou de détails) et d’images de sources iconographiques secondaires (11 au total).

Les objectifs de l’ouvrage (p. 11) visent une contribution à l’histoire militaire bernoise à partir de l’étude de la culture matérielle des armes choisies, prenant en compte les dimensions politiques, sociales et économiques. L’exercice est réussi, par la qualité (et la lisibilité) des différentes entrées du catalogue et par les trois contributions scientifiques qui ouvrent le livre. André Holenstein (15-32) corrige les anciens discours historiographiques sur l’histoire militaire bernoise en replaçant les développements politiques, économiques et techniques des forces militaires dans le contexte plus large de l’Europe moderne (régional et international). Il démontre de quelle manière la République de Bern a pu développer et maintenir une force militaire efficace en s’appuyant sur la milice et une politique extérieur intelligente, sans supporter les coûts élevés de la mise en place d’une armée de métier. Marc Höchner (33-44) examine la mise en place et le maintien de la milice, à partir de l’examen des achats d’armes. Il démontre que le principe de l’armement personnel issu de la tradition médiévale mais maintenu jusqu’au XVIIIe siècle a permis de complémenter les achats d’armement communautaire par les autorités, détaillés avec précision. Sa contribution ne se limite pas à une étude comptable et technique, mais à une appréciation des structures du pouvoir qui encadre les réglementations et assure le contrôle des armes. Jürg A. Meier (45-61) propose une histoire des Griffwaffen en s’appuyant sur les documents d’archives, les objets et l’iconographie. Il fait le point de manière très claire sur les différentes formes, types et nomenclatures des armes (un sujet pas facile !). Il offre également un regard sur le symbolisme et la culture de ces armes et de leurs usages à l’exemple des particularismes bernois, remis dans un contexte plus large par des comparaisons avec des espaces limitrophes ou plus éloignés.

L’ouvrage est très bien documenté, avec 948 notes de bas de page (réparties en 395 pour l’introduction et les contributions scientifiques et 553 pour le catalogue), une bibliographie étendue et à jour, avec le détail des Archivquellen (194) et les Gedruckte und edierte Quellen (195-196) et la littérature (197-207). Les annexes (210-240) contiennent les éléments suivants : (I) die komplett materiell-technischen Beschreibung der Waffen (210-229), mise en retrait du corps du texte pour faciliter la lecture ; (II) Un concordancier (230-231) qui met en regard les 48 Zweihander des collections avec leur datation, les numéros correspondant à l’ancien inventaire, le catalogue de Wegeli (1929) et leur données techniques comprenant la présence de marque de fabrication, les mentions dans les documents d’archives de l’arsenal de Berne, les types de Klinge und Gefäss, ainsi que leurs mesures (poids et longueur totale) ; (III) un tableau récapitulatif des achats d’armes de l’arsenal de Bern entre 1685 et 1798 (232-233), avec les valeurs et la provenance des achats (suisse ou étranger) ; (IV) un glossaire de vocabulaire technique (234-234) ; (V) Une typologie illustrée (236-240) des 5 sous-types principaux des armes traitées (Zweihänder, Schwertgefäss, Degen, Säbel, Faschinenmesser).

Il manque une table des illustrations (seulement un Abbildungsnachweis est disponible en p. 207) et un index des personnes citées aurait été apprécié. En effet, les différentes entrées du catalogue documentent et contribuent à l’histoire locale bernoise. Un index des personnes et des lieux cités aurait été un instrument de recherche apprécié. L’ensemble des trois contributions scientifiques et des entrées du catalogues offre ainsi un panorama très complet et détaillé avec expertise d’une histoire de l’armement bernois. Le spécialiste y trouvera une appréciable revue de l’historiographie spécialisée, ainsi qu’une documentation adéquate des nouvelles recherches menées. Le non-spécialiste sera probablement surpris de trouver une lecture agréable d’une histoire qui ne se limite pas à la description technique des armes, mais qui s’ouvre à l’examen des conditio humana (14) des hommes qui ont fabriqué, manié ou subi les bernische Griffwaffen

Référence:

Jürg A. Meier, Marc Höchner: «Schwerter, Säbel, Seitenwehren: Bernische Griffwaffen 1500–1850», Bern, Bernisches Historisches Museum 2021, ISBN: 978-3-9524783-4-9, 244 Seiten, 170 Abb., 48.-